Les années passent et indéniablement, la qualité du matériel de transport de voyageurs tend à s'améliorer tant en confort qu'en accessibilité.
Pourtant, il arrive parfois, pour des raisons d'exploitation ou des contraintes défiant la logique commerciale, que le phénomène inverse se produise avec une régression : bus moins récents, plus petits, à plancher haut alors que les précédents étaient adaptés aux personnes à mobilité réduite, ou alors propulsés à une énergie moins propre. Le réseau TAN n'échappe pas à ces mystérieux "nerfs" : voici la première partie qui inventorie les lignes victimes de retour en arrière au niveau des véhicules.
Avant de commencer ce dossier, que veut dire "nerfer" ? Si l'on regarde dans le Larousse, ce mot est introuvable. Pourtant, il existe dans le monde du jeu vidéo et signifie le fait de baisser la compétence d'un personnage, d'un objet ou de tout autre élément afin de rééquilibrer le niveau entre les participant(e)s et ce dans le but de rendre la partie plus équilibrée. Est-ce que ce verbe est adapté au domaine du transport urbain ? Pour cet article, on dira oui !
Rentrée 2000 : les lignes 54/55 certifiées accessibles avec des Heuliez GX 44 !
Depuis l'année 1999, les lignes 54 et 55 sont dotées des nouveaux autobus "Access'Bus" Heuliez GX 317 équipés de 2 portes. Exploitées par le dépôt de Trentemoult, ces lignes rejoignent alors le cercle encore très fermé des lignes garanties accessibles à tous (et de fait aux personnes à mobilité réduite grâce au plancher surbaissé et à la rampe d'accès).
Pour rappel, les lignes 54/55 sont des lignes jumelées reliant les Thébaudières à Commerce : la ligne 54 passe par la Bouvardière tandis que la ligne 55 dessert le nord du val de la Chézine. Les bus changeaient basculaient d'une ligne à l'autre, régulièrement au terminus "Commerce" et plus rarement à "Thébaudières".
Pour la rentrée 2000, le réseau TAN évolue : avec le prolongement de la ligne 1 et la mise en route de la ligne 3, le réseau bus évolue et les cartes sont redistribuées. Afin de rééquilibrer le nombre de véhicules par dépôt, les lignes 54/55 quittent le remisage de Trentemoult pour celui de St Herblain. La logique est fondée : le terminus "Thébaudières" se situe à proximité de ce dernier.
Mais ce transfert de ligne va tout simplement se faire sans les autobus à plancher bas attitrés à la ligne : en effet, les GX 317 diesel à 2 portes résident toujours à Trentemoult et renforcent les lignes 31 et 51. Du côté de St Herblain, les bus accessibles , les GX 317 et GX 217 GNV, sont déjà attitrés aux lignes 11, 21, 22 et 56. Alors, pour les autres lignes en bus standard, dont ces lignes 54/55, il faut piocher dans les reliques ! L'équipement se fera exclusivement ou presque en Heuliez GX 44 ! Si leur fiabilité et leur confort n'est plus à prouver, leur plancher haut et l'accès via des marches va à l'encontre de la promesse d'une ligne accessible à tous ! Pourtant, l'information commerciale inclut le pictogramme...
Ainsi en semaine scolaire, la majorité des bus des lignes 54/55 - lorsque ce n'est pas son parc intégral - est à plancher haut. Le week-end, quelques Heuliez "Access'Bus" sont injectés mais il faudra attendre la fin du rodage des derniers GX 217 GNV pour revoir des autobus à plancher bas reprendre doucement mais sûrement le pouvoir sur ces lignes jumelées. Un retour en arrière assez malvenu tout de même...
Si dès 2001 les bus accessibles avaient majoritairement repris leurs quartiers sur les lignes 54/55, Il faudra réellement attendre 2003 et l'arrivée des Heuliez GX 317 GNV pour garantir une desserte 100% accessible, au moins pour le matériel roulant, à contrario de l'aménagement aux arrêts.
Rentrée 2002 : la ligne 32 perd des articulés !
Un tout petit peu d'histoire. En 1977, les premiers autobus articulés nantais sont mis en service sur les grandes lignes de l'axe nord-sud : le groupe des lignes 32 à 36.
Exécutons un bond vers la fin 2001. La SEMITAN est confiante et attend sagement la réception puis l'homologation de ses nouveaux autobus articulés propulsés au gaz naturel : les Volvo 7000 A. L'objectif est simple : les injecter au cours de l'année 2002, en grande partie sur la ligne de bus la plus importante du réseau TAN d'alors : la ligne 32 "Commerce <> Bout des Landes". Il est alors temps de moderniser le parc vieillissant de la ligne, composé en panachage d'articulés Heuliez O 305 G rénovés mais en fin de vie et de Heuliez GX 187 ayant entre dix et douze ans. Onze bus composent la ligne 32 en heures de pointe.
Mais les retards d'homologation en France des Volvo 7000 A GNV va venir contrecarrer l'effectif du parc de bus articulés de la SEMITAN. A l'été 2002, 6 bus Heuliez O 305 G hors d'âge sont contraints à la réforme, tandis que les 20 restants sont prolongés et seront opérationnels à la rentrée de septembre.
6 autobus de grande capacité en moins, sur un parc articulé comptant presque une centaine d'unités, ça complique l'affectation des véhicules. Alors il faut faire un sacrifice : c'est ainsi la ligne proposant la plus forte fréquence (8 minutes en pointe et 12 en creuses en semaine scolaire) qui va se retrouver amputer de quelques articulés au profit de standards. Résultat : à la rentrée 2002, avec une certaine surprise - la ligne 32 c'est une institution - cinq standards GX 44 accompagnent les six articulés GX 187. De 100% articulés, la ligne n'est désormais plus qu'à 55% ! Les bus standards ne se content pas de ne rouler qu'en heures de pointe : ils sont deux en heures creuses le matin, et trois l'après-midi. Le samedi, cinq articulés et deux standards composent l'effectif de la 32.
Constats : en pointe notamment du soir, les bus standards sont pris d'assaut et se font vite rattraper par les articulés (tout aussi pleins). La ligne 32 est moins capacitaire, mais pour autant, les statistiques montrent que la liaison ne charge pas au point de maintenir des articulés en heures de moindre affluence. Aussi, la mise en service de bus standards de type GX 44, en fin de vie pour la plupart, dégrade la régulation, les véhicules étant peu à peu déséquipés du système d'aide à l'exploitation permettant qui autorise un suivi plus précis. Il y a bien des bus GX 317 GNV neufs mais ils sont favorisés sur la ligne 31.
Printemps 2003 : de nouvelles séries de Heuliez GX 317 GNV sont mises en service sur les lignes qui libèrent leurs GX 317 au diesel. La ligne 32 troque ses GX 44, non pas pour des articulés (les Volvo 7000 A GNV attendent toujours une homologation qui n'interviendra que le 23 avril) mais pour des Heuliez "Access'Bus" GX 317. On garde une capacité d'accueil à bord des bus, mais la 32 fait, enfin, un premier pas vers l'accessibilité ! Ils sont toujours accompagnés d'articulés GX 187 ou, ponctuellement, de GX 417 accessibles à tous eux aussi, et s'offrant quelques piges en raison de leur système embarqué de comptage de voyageurs.
Les études menées par la SEMITAN pour la rentrée 2003 aboutiront à une modification en profondeur de l'exploitation de la ligne 32. Elle abandonnera définitivement ses articulés au profit de 13 autobus standards au gaz, équipés de 3 portes. La ligne 32 est renforcée, voit sa fréquence passer à 6 minutes en heures de pointe en période scolaire, ouvrant la voie à un nouveau label nantais : Chronobus (note : lors de la rédaction de ce dossier, nous sommes en 2022. Si quelconque évènement se passe en octobre 2012 pour fêter le dixième anniversaire des Chronobus, ce sera une erreur !). Ainsi les articulés Volvo 7000 A GNV promis à la ligne 32 seront reversés sur la ligne 29.
Début 2005 : la ligne 23, le nerf par excellence
Pour conclure cette première partie des lignes nerfées, comment ne pas évoquer la ligne 23 "Mendès-France Bellevue <> Haluchère" ! Première "terre" d'accueil des Volvo 7000 A GNV depuis mai 2003, ces derniers vont dominer outrageusement sur la ligne 23 à tel point qu'il devient rare d'y croiser un bus à plancher haut. A partir de décembre 2003, il est même récurrent de voir une noria exclusive de Volvo 7000 articulé.
La ligne 23 n'est pas garantie accessible, et pourtant son parc l'est. Cette configuration transcende avec la ligne 22, censée être accessible à tous, et qui dispose toujours de quelques Heuliez GX 187 (articulés à plancher haut) en ses rangs. Cette dernière n'a pas reçu de Volvo 7000 A GNV car il subsiste sur l'itinéraire quelques passage complexes en centre-cille. Les nouveaux articulés n'ayant pas une longueur de caisse standard (la partie avant est plus courte que la normale, alors que la partie arrière est, elle, un peu plus longue), le gabarit est un peu différent et pas toujours compatible avec des configurations déjà peu adaptées aux véhicules lourds. Ainsi les 7000 ont roulé quelques jours sur la 22 à leurs débuts avant d'être reversés sur la ligne 23. Chanceuse !
L'aménagement des zones problématiques est légèrement repensé, à priori fin 2004 ou début 2005. La voie de la ligne 22 est libre et désormais sans obstacle pour les bus articulés les plus modernes. Conjuguée au fait que la ligne 25, exploitée par le même dépôt (St Herblain) est passée Chronobus avec des bus à plancher bas obligatoires, la ligne 23 va subir une régression au niveau du matériel. Peu à peu les Volvo 7000 A GNV vont s'évaporer et la 23 va retrouver ses fidèles bus de 1989 à 2003 : les GX 187 !
La moyenne d'âge du matériel de la ligne augmente considérablement (beaucoup de GX 187 ont entre quatorze et dix-huit ans !) et l'accessibilité se fait rare. L'affectation d'un Volvo 7000 A GNV ou d'un Heuliez GX 417 est aléatoire et extrêmement peu fréquente.
2005 et 2006, les années voient toujours les GX 187 dominer, comme à l'époque, la ligne 23. Ah, elle en a vu des vieux coucous de ce modèle circuler, avec différentes décorations, que ce soit la livrée TAN de 2003, les bas de caisse gris clairs et la virgule verte, ou alors la décoration mythique des années 80 et 90, issue du tramway, et conservée sur les plus vieux specimen.
Mais pourtant, à l'aube du mois de septembre 2006, un espoir... qui sera raconté dans un futur épisode !
Crédits photos : Webmestre Ouest Bus, Dominique Guibert